mercredi 24 janvier 2018

Après le droit à l'erreur de l'administration, le droit à l'erreur de l'employeur !

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Depuis près de 45 ans, tout employeur qui licencie un salarié est tenu de lui en indiquer les raisons dans une lettre de licenciement.

Une fois cette lettre notifiée au salarié, l’employeur ne pouvait pas compléter par la suite les motifs qu’elle contenait.

Il appartenait donc à l’employeur d’être, une fois pour toute, suffisamment concret et précis dans l’énoncé des motifs ayant présidé à sa décision de rompre le contrat de travail du salarié.

Mais cela, c’était avant !

En effet, l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 a institué au profit de l’employeur un véritable « droit à l’erreur » en matière de licenciement.

Désormais, aux termes du nouvel article L 1235-2 du code du travail entré en vigueur le 31 décembre 2017:

 " Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat".

Le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017, pris en application de l’article L 1235-2 précité, prévoit ainsi que la lettre de licenciement devra mentionner le paragraphe final suivant :

"Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de cette demande par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement. "

Il s’agit là d’un assouplissement significatif de la procédure de licenciement, puisque dorénavant l’employeur pourra, à son initiative ou à la demande du salarié, préciser les motifs du licenciement.

Cette nouveauté ne constitue cependant qu’une faculté pour l’employeur et aucunement une obligation comme l’indique l’emploi du verbe « peuvent » retenu par le code du travail.

S’agissant de la sanction applicable en la matière, l’article L 1235-2 susvisé poursuit en indiquant que l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne rend pas abusive la mesure mais l’affecte d’un vice de forme sanctionné en lui-même par l’allocation au salarié d’une indemnité maximale d’un mois de salaire, ne se cumulant pas avec l’indemnité de licenciement abusif désormais plafonnée par le barème obligatoire de l’article L 1235-3 du code du travail.

Le texte ne prévoit cependant le versement de l’indemnité pour insuffisance de motivation que si le salarié n’a pas demandé à l’employeur de préciser les motifs articulés dans la lettre de licenciement.

Est-ce à dire qu’en l’absence d’une telle demande et en présence d’une lettre de licenciement insuffisamment motivée, le salarié ne pourrait faire sanctionner ce vice de forme ?

Il appartiendra aux juridictions de faire œuvre créatrice en suppléant sur ce point les lacunes du texte.

Gageons cependant que les juges ne laisserons pas sans sanction une lettre de licenciement insuffisamment motivée dans l’hypothèse où l’employeur ne prendrait pas le soin de répondre à une demande de précision du salarié.