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lundi 29 février 2016

Le Conseil d'Etat restreint sévèrement l'intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme

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Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ».

Le Conseil d’Etat vient de sévèrement restreindre la définition de l’intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme par un arrêt du 10 février 2016, en jugeant irrecevable deux requérants propriétaires de parcelles « à proximité immédiate » d’un projet immobilier consistant à édifier une résidence à deux étages et comprenant 18 logements.

La haute juridiction administrative rappelle tout d’abord qu’il «  appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien » et que « les écritures et les documents produits par l'auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux ».

Puis elle constate qu’en l’espèce « les requérants se sont bornés » à invoquer, pour le premier, la mitoyenneté de sa parcelle avec le projet litigieux, et pour le second la co-visibilité dans laquelle se trouve être sa propriété avec le projet litigieux.

En outre, il apparait à la lecture de l’arrêt que « qu'invités par le greffe du tribunal administratif, par une lettre du 28 août 2014, à apporter les précisions nécessaires à l'appréciation de l'atteinte directe portée par le projet litigieux à leurs conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, ils se sont bornés à produire, le 5 septembre suivant, la copie de leurs attestations de propriété ainsi que le plan de situation cadastral déjà fourni ».

Or, pour le Conseil d’Etat, cette seule proximité avec le projet n’est (désormais) plus suffisante. En effet, le Conseil d’Etat conclut que dans ces circonstances, les requérants étaient dépourvus d’intérêt à agir à l’encontre du permis de construire litigieux.

On savait que les conditions définies par la jurisprudence administrative pour avoir intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme tendaient vers un durcissement. La sévérité avec laquelle le Conseil d’Etat restreint encore l’intérêt à agir du requérant surprend toutefois.

La rédaction de cet arrêt laisse néanmoins penser que c’est en raison du fait que, en l’espèce, les requérants se sont bornés à produire leurs attestations de propriété et un plan de situation cadastral que le Conseil d’Etat a confirmé le rejet de la requête.

Il est quoi qu’il en soit évident que les requérants devront désormais muscler leur démonstration quant à l’atteinte par le projet querellé à leurs conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien.

CE, 10 février 2016, req. N°387507