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mardi 23 février 2016

Le préjudice causé par l'illégalité d'une décision administrative

par

Madame B et son fils Monsieur A sont propriétaires d’un terrain longeant une piste cyclable appartenant au département de la Gironde.

Autrefois, cette piste cyclable constituait une voie de chemin de fer qui était séparée de la propriété de Madame B et de Monsieur A par une parcelle dénommée chemin de la Bascule.

En 1986 la direction générale des impôts informe Madame B que le remaniement du plan cadastral de la commune allait avoir pour effet d’inclure cette parcelle, le chemin de la Bascule, dans son compte.

Monsieur A s’estimant donc légitimement propriétaire de cette parcelle demande et obtient entre 1988 et 1990 différentes autorisations d’urbanismes pour édifier sur cette parcelle une maison d’habitation et une clôture.

La difficulté est que le 20 aout 1992 le maire de Lanton a adressé à Madame B et Monsieur A une lettre les informant que l’accès de la rue de la Bascule appartiendrait finalement à la commune.

Par ce courrier, puis par courrier du 29 aout 2001, le maire de la commune mettait par conséquent Madame B et Monsieur A en demeure d’arrêter tous travaux sur leurs parcelles et de remettre les lieux dans leur état d’origine.

Ces décisions se fondaient sur une note de l’inspecteur du cadastre qui considérait que l’inclusion de la rue de la Bascule dans le compte de Madame B et de Monsieur A serait le fruit d’une erreur.

Aux termes d’un litige particulièrement laborieux, la Cour d’appel de Bordeaux a définitivement jugé en 2010 que la parcelle litigieuse appartient à Madame B et Monsieur A.

Les requérants ont donc saisi le tribunal administratif de Bordeaux afin de voir la commune condamnée à les indemniser de leur entier préjudice.

En effet, les décisions de la commune de Lanton les mettant en demeure de mettre fin aux travaux de leur maison d’habitation, et de remettre les lieux en état, ont empêché Monsieur A d’habiter cette maison. Il faut ici préciser que Monsieur A est handicapé et qu’il était donc important pour lui de pouvoir habiter à proximité de la maison de sa mère, dans une maison aménagée pour son handicap, tout en jouissant d’un minimum d’indépendance.

La Cour administrative d’appel saisie à son tour de cette demande estime tout d’abord que les courriers de la commune de Lanton des 20 aout 1992 et 29 aout 2001 constituent des décisions faisant grief.

Il était difficile de juger le contraire puisque, contrairement à ce qu’affirmait le maire dans ses courriers, les travaux litigieux avaient été clairement autorisés par la commune et qu’en outre cette dernière n’était pas propriétaire des parcelles qu’elle revendiquait au soutien de ses décisions.

La Cour rappelle à ce sujet « qu’en raison de leur portée relative, les énonciations du cadastre ne pouvaient préjuger la propriété de la parcelle ».

Pourtant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux retient en second lieu que tous les préjudices invoqués par les requérants et qui sont liés à l'impossibilité de pouvoir occuper la maison ne présentent aucun lien direct et certain avec cette illégalité.

Pour le juge administratif, certes « la réalisation d’une clôture sécurisée et d’une hauteur suffisante était une condition indispensable pour que Monsieur A puisse utiliser en toute sécurité et en toute intimité sa piscine extérieure ainsi que les équipements spécifiques de balnéothérapie nécessaires à son état de santé qu’il avait fait réaliser à l’extérieur de sa maison ». Toutefois, dès lors qu’il a pu continuer de vivre chez sa mère, il n’a subi de ce fait aucun préjudice direct et certain.

En outre, la Cour administrative d’appel de Bordeaux considère qu’alors même que, selon Monsieur A, « en raison de son handicap il ne pouvait accéder seul à sa maison compte tenu de la configuration à la fois du terrain, de sa maison et de la piscine déjà construite en raison d’une part de la voirie non goudronnée non praticable en fauteuil roulant et, d’autre part, de l’absence d’espace suffisant pour pouvoir faire les manœuvres de retournement de son véhicule, compte tenu de son état de santé », dès lors que sa mère, Madame B « pouvait habiter cette maison avec lui avant le jugement définitif rendu par l’arrêt du 2 mars 2010 de la cour d’appel de Bordeaux reconnaissant son droit de propriété sur la parcelle de la rue de la Bascule », les requérants n’ont subi à ce titre aucun préjudice en raison de la mise en demeure de la commune de mettre un terme aux travaux qu’elle a elle-même autorisés.

En conclusion, pour la Cour administrative d’appel de Bordeaux, « il résulte de l'instruction que la décision prise par M. A... et sa mère de ne pas résider dans la maison du premier et d'aller s'installer chez la seconde, ne peut pas être regardée comme étant la conséquence directe de l'interdiction qui leur avait été faite de poursuivre les travaux de clôture sur la parcelle dite du " chemin de la Bascule " mais le fait de convenances personnelles ».

Le tribunal administratif avait accordé une indemnisation à hauteur de 20.000 €, principalement en réparation de son préjudice moral à Monsieur A, et la somme de 5.000 € à Madame B.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux confirme que pour ne pas avoir pu accéder à sa maison et de ne pas avoir pu jouir des aménagements extérieurs entre 1992 et 2010, ce sera tout.

CAA Bordeaux, req. n°14BX01373, 9 février 2016