lundi 20 décembre 2021

La réception de l’ouvrage doit être contradictoire

par

Se plaignant de malfaçons, M. et Mme [V] ont, après expertise, assigné en indemnisation leur architecte, la MAF en qualité d’assureur de l’architecte, et la société Allianz en qualité d’assureur de l’entreprise qui a réalisé les travaux.

L’entreprise étant en liquidation judiciaire, les maîtres d’ouvrage ont fait le choix de ne pas engager d’action à son encontre.

L’architecte et son assurance ont été solidairement condamnés à indemniser les maîtres d’ouvrage.

L'architecte et son assureur ont parallèlement recherché la garantie de la société Allianz.

Tant en première instance qu’en appel, la demande de garantie à l’encontre de l’assureur de l’entreprise a été rejetée.

L’architecte et la MAF font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la société Allianz, alors :

« 1°/ que la prise de possession des lieux et le fait qu'aucune somme ne soit réclamée par l'entrepreneur permettent de caractériser une présomption de réception tacite ; que cette présomption est renforcée par l'existence d'une réception expresse même non opposable à un constructeur, réception expresse qui n'interdit donc pas la possibilité d'une réception tacite ; qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes dirigées contre la Sa Allianz IARD, en sa qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société 2SP Bâtiment, fondée sur une présomption de réception tacite, la cour d'appel a retenu qu'une telle réception ne pouvait être prononcée qu'en l'absence d'une réception expresse, « en recherchant si le maître d'ouvrage avait eu ou non l'intention non équivoque de recevoir l'ouvrage, cette intention n'étant alors, par définition, matérialisée par un acte de réception » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

2°/ que dans leurs conclusions d'appel, M. [K] et la MAF ont subsidiairement demandé à la cour de prononcer la réception judiciaire à la date du 18 juin 2007, une telle réception pouvant être prononcée même si elle n'a pas de caractère contradictoire ; qu'en rejetant leurs demandes dirigées contre l'assureur de garantie décennale de l'entrepreneur sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

La Cour de cassation rejette cette argumentation et confirme donc l’irrecevabilité de la demande de garantie à l’encontre de l’assureur de l’entreprise qui a réalisé les travaux pour les motifs suivants.

La cour d'appel a relevé que la volonté de M. [V], maître de l'ouvrage, de recevoir l'ouvrage a été concrétisée par la signature, le 18 juin 2007, d'un procès-verbal de réception avec l'architecte.

D'une part, ayant retenu que la demande de l'architecte et de son assureur, de constater l'existence d'une présomption de réception tacite à l'égard de la société 2SP bâtiment, qui n'avait pas été convoquée à la réception expresse, visait à contourner l'exigence du respect du contradictoire, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle devait être rejetée.

D'autre part, le liquidateur judiciaire de la société 2SP bâtiment n'ayant pas été appelé à l'instance, elle n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes sur le prononcé d'une réception judiciaire, celle-ci devant être prononcée contradictoirement en application de l'article 1792-6 du code civil.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 20 octobre 2021, 20-20.428, Publié au bulletin