Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 juin 2020 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.
L'article L. 480-14 du code de l'urbanisme dispose que :
« La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux ».
Selon le requérant, « ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit de propriété consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En effet, il fait valoir qu'elles permettraient, pendant un délai de dix ans, la démolition de toute construction au seul motif qu'elle méconnaît une règle d'urbanisme, sans qu'il soit tenu compte de la bonne foi du propriétaire ou de la possibilité d'une régularisation. Selon le requérant, ces dispositions porteraient, pour les mêmes motifs et parce qu'elles peuvent conduire à la destruction d'un ouvrage constituant un domicile, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ».
Le conseil constitutionnel rappelle tout d’abord que « La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». En l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ».
Dès lors, pour le Conseil constitutionnel, en premier lieu, l'action en démolition prévue par les dispositions contestées ne constitue qu'une conséquence des restrictions apportées aux conditions d'exercice du droit de propriété par les règles d'urbanisme.
Il précise que : « Elle n'a pour objet que de rétablir les lieux dans leur situation antérieure à l'édification irrégulière de la construction concernée. Il en résulte que, si la démolition d'un tel ouvrage a pour effet de priver son propriétaire de la propriété de ce bien irrégulièrement bâti, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ».
En second lieu, d'une part, l'action en démolition est justifiée par l'intérêt général qui s'attache au respect des règles d'urbanisme, lesquelles permettent la maîtrise, par les collectivités publiques, de l'occupation des sols et du développement urbain.
D'autre part, cette action en démolition ne peut être introduite que par les autorités compétentes en matière de plan local d'urbanisme et dans un délai de dix ans qui commence à courir dès l'achèvement des travaux. Par ailleurs, la démolition ne peut être prononcée que par le juge judiciaire et à l'encontre d'un ouvrage édifié ou installé sans permis de construire ou d'aménager, ou sans déclaration préalable, en méconnaissance de ce permis ou en violation des règles de fond dont le respect s'impose sur le fondement de l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme.
Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans porter une atteinte excessive au droit de propriété, être interprétées comme autorisant la démolition d'un tel ouvrage lorsque le juge peut, en application de l'article L. 480-14, ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire.
En conclusions, pour le Conseil constitutionnel, « Il résulte de ce qui précède que les limitations apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit de propriété résultant de l'article 2 de la Déclaration de 1789 sont justifiées par un motif d'intérêt général et, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, proportionnées à cet objectif. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit donc, sous cette réserve, être écarté.
Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent sous la réserve énoncée au paragraphe 9, être déclarées conformes à la Constitution ».