La société civile immobilière (SCI) La Rocade a déposé une demande de permis de construire sur des parcelles cadastrées BZ 103 et 21 situées 50 route de Toulouse,
Par un arrêté du 19 décembre 2013, le maire de Castres a délivré à la SCI LA ROCADE un permis en vue de l'agrandissement d'un bâtiment pour créer un local commercial sur le territoire de la commune de Castres.
Ce permis a fait l'objet d'un permis modificatif par un arrêté du 11 octobre 2017 portant sur l'aménagement extérieur et l'emprise foncière du projet.
La SARL Homco, locataire de l'immeuble dont l'agrandissement est prévu, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2013 et la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sa requête ayant été rejetée, l’affaire se présente devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui suit le raisonnement suivant.
En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l’urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ".
En vertu du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, la demande de permis de construire comporte l'attestation du demandeur qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis.
Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus.
Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d’urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur.
Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande.
Lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. La fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d’urbanisme.
Pour la Cour administrative d’appel de Bordeaux, il n'est pas contesté que la demande initiale de permis de construire a été présentée par la SCI La Rocade en sa qualité de propriétaire du terrain d'assiette du projet.
La seule circonstance que le maire n'ait pas eu connaissance de ce que la société Homco était titulaire d'un bail commercial l'autorisant notamment à occuper des places de parking sur l'emprise du projet n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une fraude alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, une autorisation de construire est délivrée sous réserve des droits des tiers. La commune, en tout état de cause, n'était donc pas tenue de retirer le permis à la suite du recours gracieux formé par la requérante ainsi que soutient la société Homco.
En deuxième lieu, l'article R. 431-8 du code de l’urbanisme dispose que : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ".
La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la notice de présentation du projet que le terrain d'assiette est bordé au nord, à l'est et au sud, par la voie publique de desserte. Cette notice précise que la réalisation du projet consiste notamment en la démolition d'une ancienne habitation inoccupée située sur la parcelle BZ21.
Elle mentionne que les espaces laissés libres par les bâtiments et les stationnements seront traités en espaces verts engazonnés, qu'il est prévu de planter quatre arbres de haute tige à raison d'un arbre pour quatre places de parking créées, la création de 15 places étant prévue par le projet. Le plan de masse du projet, également produit aux débats, matérialise quant à lui les voies d'accès aux places de parking et au bâtiment.
Par ailleurs, la notice spécifique d'accessibilité (P.C-39) précise les cheminements extérieurs, les modalités de stationnement et l'accès aux bâtiments pour les personnes handicapées.
Enfin, par l'arrêté du 11 octobre 2017, le maire de Castres a accordé à la SCI La Rocade un permis de construire modificatif ayant pour objet l'aménagement extérieur et la modification de l'emprise foncière du projet, celle-ci portant également sur la parcelle cadastrée BZ 153 située 153 route de Toulouse, contigüe au terrain du lieu d'implantation du projet, à la suite de l'acquisition de ladite parcelle par la société pétitionnaire par acte sous-seing privé conclu le 10 mars 2017 avec la commune de Castres.
La société pétitionnaire soutient que 56 places de stationnement contre 44 dans le permis initial sont prévues, dont 20, situées initialement sur le domaine public sont aménagées sur la parcelle nouvellement acquise. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges à juste titre, le dossier de demande de permis de construire ne saurait être regardé comme entaché d'insuffisances susceptibles d'induire en erreur l'administration sur la consistance du projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l’urbanisme doit être écarté.
En troisième lieu, si la société Homco est fondée à soutenir que le permis de construire initial intégrait vingt places de stationnement situées sur le domaine public sans que la SCI La Rocade ne justifie d'un titre l'y habilitant, le permis de construire modificatif délivré le 11 octobre 2017 a modifié l'emprise foncière du projet en y incluant la parcelle BZ 153, acquise par la SCI La Rocade de la commune de Castres par acte sous seing privé le 10 mars 2017, et prévoit que ces emplacements de stationnement seront réalisés sur cette nouvelle parcelle.
Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire serait illégal en tant qu'il prévoit l'implantation d'emplacements de stationnement sur le domaine public, devenu inopérant, doit être écarté. Le moyen tiré de ce que la commune ne justifie pas de la procédure de déclassement de la parcelle BZ 153 préalable à sa cession à la SCI La Rocade est également inopérant à l'encontre du permis de construire en litige.
En quatrième et dernier lieu, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Il appartient à l'administration de statuer au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision, en tenant compte, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006, désormais reprises à l'article L. 421-9 de ce code, relatives à la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans.
Il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de masse " état des lieux - démolition " du permis accordé le 19 décembre 2013 que, conformément au permis du 21 mars 2007, le bâtiment que le projet en litige prévoyait d'agrandir comporte vingt-sept emplacements de stationnement, neuf implantés en limite sud et dix-huit localisés sur la parcelle n° BZ 103. Dans ces conditions, en dépit des différences mineures affectant la mention des superficies des parcelles BZ 103 et 21 dans les différentes demandes de permis de construire, le bâtiment réalisé, tel qu'il figure dans la demande du permis de construire en litige, ne peut être regardé comme différent de celui dont la construction a été autorisée en vertu du permis de construire délivré le 21 mars 2007.
Aucune régularisation de la construction existante n'était donc nécessaire.
CAA de BORDEAUX, 4ème chambre, 20/05/2020, 18BX03017, Inédit au recueil Lebon