vendredi 07 juin 2019

Quand l’éolienne n’est pas si moche, mais qu’elle est prévue trop près des limites séparatives !

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Dans une espèce soumise à la Cour administrative d’appel de Bordeaux, la société requérante reprochait au préfet de la Vienne de lui avoir refusé un permis de construire un parc éolien sur le territoire de la commune de Saint-Julien l'Ars.

Ce refus était fondé sur l’atteinte paysagère du projet à son environnement naturel et urbain.

En effet, sur le fondement de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ».


La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle tout d’abord qu’« Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ».

Elle ajoute que « Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ». 

 
Elle applique ensuite ces critères au cas d’espèce.

Elle observe tout d’abord l’environnement dans lequel vont s’intégrer les éoliennes : « Il ressort des pièces du dossier que les cinq éoliennes projetées doivent être implantées au sein de l'unité paysagère des Terres de Brandes, laquelle se caractérise par un relief assez plat où de vastes parcelles cultivées alternent avec des éléments boisés nombreux et disséminés. Cet ensemble paysager, qui est affecté par la présence d'une centrale nucléaire flanquée de deux tours de refroidissement, de lignes électriques aériennes et d'un réseau routier, ne revêt par lui-même aucun caractère particulier hormis, il est vrai, la présence du village de Chauvigny, lequel abrite un ensemble médiéval composé du château d'Harcourt et du château baronnial (ou des Evêques de Poitiers), des églises Saint-Pierre et Notre-Dame et du donjon de Gouzon, édifices protégés au titre de la législation sur les monuments historiques ». 

Quant aux éoliennes objet du projet, la Cour administrative constate qu’elles seront « d'une hauteur de 150 mètres en bout de pales, seront perceptibles depuis l'ensemble médiéval de Chauvigny, lequel est positionné sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Vienne.

Toutefois, pour la CAA de Bordeaux, « il ressort des pièces du dossier que les éoliennes, en dépit de leur hauteur, ne présentent pas une visibilité significative depuis le village de Chauvigny dont elles sont séparées par huit kilomètres de distance. En particulier, les divers photomontages versés au dossier ne font pas apparaître, compte tenu de leur éloignement, que les éoliennes produiraient un effet d'attraction du regard depuis l'ensemble médiéval de Chauvigny et que leur présence aurait pour conséquence de transformer les caractéristiques essentielles de celui-ci ou des paysages alentour, lesquels sont déjà altérés, comme il a déjà été dit, par des éléments d'anthropisation. Dans ces conditions, l'atteinte causée par le projet en litige aux paysages environnants présente un caractère limité et ne justifie pas la mise en œuvre de la protection instituée par les dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l’urbanisme ».

En conséquence, la Cour administrative d’appel de Bordeaux retient que c’est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que le préfet de la Vienne avait pu légalement rejeter la demande de permis de construire en se fondant sur l’arrêt R. 111-21 du code de l’urbanisme.

Néanmoins, la Cour administrative d’appel confirme la décision de rejet de la demande de permis de construire du préfet en raison de son illégalité au regard des règles de marges de reculement, c’est-à-dire aux règles de distances, prévues dans le PLU.

Une éolienne est en effet une construction comme une autre. Sa hauteur étant de 150 mètres, en l’espèce, l’éolienne devait donc être à 74,5 mètres des limites séparatives.

Morale de cet arrêt, l’éolienne projetée n’est pas moche, mais elle n’est pas bien implantée.

CAA de BORDEAUX, 5ème chambre - formation à 3, 29/05/2019, 17BX01484, Inédit au recueil Lebon